dimanche 1 avril 2012

REVER SA VIE EN PANTALON ROUGE ET PULL ROSE



Le week-end dernier le beau temps m’a amenée dans le jardin et allez savoir pourquoi (par association d’idées sans doute), m’est revenu en mémoire un frais matin de janvier d’il y a une quinzaine d’année. Ou plus exactement un matin idéalisé.

Vous devez savoir que j’ai longtemps acheté des vêtements parce que je me voyais avec dans un futur, un moment rêvé et planifié. En l'occurence, j'avais acheté un pull rose, mousseux (et coûteux)chez Laura Ashley, à porter avec mon mythique pantalon rouge, parce que je voulais être habillée comme ça au matin du 1er janvier chez des amis d'amis avec qui nous fêtions toujours le réveillon. Je m’étais « vue » dans ces vêtements, allongée sur leur canapé, dans un grand moment de quiétude en train de caresser un des chats et d’être là tous ensemble comme cela arrivait souvent. Je ne sais plus si j’ai été vêtue comme je l’avais planifié, je sais en revanche que cela ne s’est jamais vraiment déroulé. Cette matinée n’a vécue que dans mon imagination. Nous avions passé beaucoup de temps ensemble, préparé des repas, des anniversaires, des nouvels ans, etc. mais j'ai découvert à mes dépends que les "amis de mes amis [ne] sont [pas toujours] des amis". J'avais organisé un w-e prés de la mer et le couple d'amis qui faisait le lien s'était désisté car l'un d'eux était malade. J'avais appelé pour connaitre l'heure d'arrivée des autres et celle qu'on appelait "Za" m'avait répondu sans le moindre tact "Si Tho et Ma ne sont pas là, on n'a pas de raison de venir". Cette simple phrase, en dehors du fait qu’elle m’a fait mal, m’a immédiatement éclairée sur la nature et le manque de profondeur de notre amitié.
Il avait suffit de quelques mots pour que je ne passe plus de temps en leur compagnie.

Que sont devenues ces amitiés, qui sont finalement de passage ? Quelle utilité ont-elles ? Servent-elles à nous construire ou ne sont-elles là que pour combler un vide ? J'ai un jour posé ces questions à quelqu'un dont j'avais foi ...ce quelqu'un m'a dit qu'on n'avait partagé que des moments de plaisir, pas de moments difficiles...
Je suis plutôt d'accord mais...est-ce que cela signifie que le plaisir partagé ensemble n'a pas de valeur ? Pourtant, ce dont je me souviens le plus volontiers c'est le simple plaisir d'être avec certaines personnes, de m'assoir avec elles autour d'une table de restaurant et de partager nos vies et des cheese-cakes ! Ces amitiés se nourrissent du manque car nous nous voyons peu ou plus exactement "jamais assez". A chaque fin de journée nous avons cette même phrase "c'est encore passé trop vite".
De plus, à combien de personnes avez-vous confié vos doutes, vos chagrins ou à l'inverse que vous avez écoutées, consolées parfois conseillées, sans qu'une relation sincère se crée pour autant ?

Je me suis vue à de nombreuses reprises dans des vêtements précis pour accompagner les situations que je voulais vivre. Le plus souvent, j'ai acheté ces vêtements, comme si ce simple acte allait les faire naitre. Bien entendu, ces moments ne sont jamais vraiment venus. On ne peut pas rêver sa vie à l’avance.

Pourtant j’ai dans ma garde robe des vêtements symboles de réussite , de progrés…de bonheur (le fameux pantalon rouge), mais surtout : le tailleur pantalon après l’examen de méthodologie (c'est une matière en psychologie expérimentale, maintenant que vous savez ça, vous pouvez tout à fait l'oublier).
Laissez-moi vous donner cet exemple : en licence, je devais passer un oral détesté des étudiants car la matière était rebutante et les notes souvent basses (avec un fort coefficient). Je pourrais en faire une chronique entière (bel exemple de résilience*, à mon humble niveau) mais je vais, pour une fois, en donner l'essentiel : je n'avais pas droit à l'échec, j'ai passé cet oral dans les pires conditions possibles et je n'avais de fait aucune mais alors aucune confiance en moi (il faut dire que j'ai très sérieusement pensé à me jetter par la fenêtre la veille de cet examen) et, en définitive, j'ai atteint la meilleure note de la promo (j'en suis encore très fière, pas orgueilleuse je le promets, mais je me répette à dessein : c'est un bel exemple de "résilience"). Une copine d'enfance m'avait accompagnée durant cette épreuve. En sortant je l'avais emmenée vers le Comptoir des Cotonniers le plus proche et j'avais fêté ma victoire en achetant un tailleur pantalon. Un ou deux ans plus tard, nous nous n'avons plus été amies. Tout comme je ne suis plus amie avec celle qui était la marraine de ma fille. J'ai analysé pourquoi je ne pouvais plus envisager que cette dernière fasse partie de ma vie. Mais longtemps, je me suis perdue à chercher pourquoi les petites filles qui se cachaient dans des placards pour passer plus de temps ensemble étaient devenues des adultes que plus rien ne relie...et puis une petite phrase prononcée par ma copine d'enfance ce fameux jour m'est revenu en mémoire : je la revois lisant l'étiquette avec le prix du tailleur et me disant sur un ton en total désaccord avec ma joie exubérante du moment : "si tu peux te le permettre...".
L'autre ancienne amie, celle avec qui j'ai rompu les ponts définitivement avait commencé à se rendre insupportable avec ses fréquentes remarques sur ma propension à dépenser de l'argent pour mes fringues et surtout celles de ma fille...Les amies qui me connaissent bien savent que c'est davantage chez moi un excés d'optimisme (parfois une certaine insconscience) qu'un salaire illimité qui me pousse à ces choix...suivis quand il le faut de périodes de restriction totale.
"Si tu peux le permettre..." m’éclaire de nouveau sur la nature de notre relation et le trait commun entre ces deux amitiés : la jalousie.
(Je viens d'une famille qui a un rapport sain avec l'argent : j'ai beaucoup d'admiration pour les personnes généreuses mais aussi économes, aucune pour celles qui ont la critique ou la radinerie enchainée dans le corps...).

Un ultime exemple le plus fort dans ma mémoire : Le jour où j'ai terminé ce que je considère comme un des meilleurs jobs, je me suis, de nouveau, "vue" dans des vêtements particuliers (ma veste noire en cuir et une longue écharpe pervenche) conduisant ma voiture de retour du travail, avec l'espoir d'intégrer de nouveau et pour un temps très très long ce super job. Cela fait plus de 10 ans que j'ai cet espoir, cette attente tout au fond de moi...depuis quelques semaines des fenêtres ce sont ouvertes...je ne compte pas les laisser se refermer...et le plus compliqué ce n'est évidemment pas d'enfiler ma veste et mon écharpe...Mais, si j'ai l'opportunité d'y revenir, je me ferais un vrai fun à porter l'écharpe et la veste en cuir...



* que d'éventuels puristes m'excusent, il ne s'agit pas strictement de résilience qui est un concept et un processus plus complexe. J'aurais pu parler de "coping" (To Cope : s'en sortir), mais "résilience" est une terme plus connu et qui a transmet, aprés vulgarisation, l'idée de rebondir à partir d'un échec.

3 commentaires:

  1. Très bel article qui fait le lien entre notre rapport aux vêtements, l'amitié et des événements particuliers qui ont marqué notre vie : je me retrouve dans certains de tes passages, et il est vrai que cela donne matière à un peu d'introspection pour ma part... Très bonne continuation à ton blog !

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  2. tres beau texte, maintenant j'ai envie d'un pantalon rouge, c'est malin lol
    par contre, je n'ai jamais trop fait attention aux tenues que je portais..sauf a mon mariage bien sur ;) mais c'etait il y a treeeeeessss longtemps

    vero

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